A quand les “excuses” pour Chavez et Castro?

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A quand les “excuses” pour Chavez et Castro?

Un cas important d’une future polémique à venir à Washington, – très rapidement, peut-être, – est celui de l’attitude de BHO vis-à-vis de l’Amérique latine. La “performance” du président US au Sommet des Amériques, à la fin avril, notamment du plus spectaculaire avec ses entretiens chaleureux avec Chavez, relève moins d’une “performance” justement, cela étant perçu comme une démarche de relations publiques, que d’une retrouvailles de BHO avec ses réflexes et ses conceptions d’engagement social dans la communauté noire, dans ses jeunes années à Chicago. C’est du BHO vrai “populiste” dont il est question, et la chose a marqué profondément tant ses partisans (ou ses “nouveaux partisans”) en Amérique du Sud que ses ennemis aux USA. C'est surtout ce dernier cas qui est important; le choc a été profond et très fort, et fait prévoir des réactions rapides et violentes. BHO est apparu comme un homme d'une conception populiste radicale, tendance plutôt néo-tiersmondiste, flirtant avec ce qui devrait apparaître, aux yeux de la partie radicale de droite de l’establishment washingtonien, plus très loin d’une conception révolutionnaire, – et, de toutes les façons, antisystème. Peut-on concevoir pire, dans ce cas et pour ces milieux?

L'importance de l'événement est marqué par un commentaire passé relativement inaperçu, pourtant jugé comme important et significatif, de Mark Weisbrot, co-directeur du Centre for Economic and Policy Research, à Washington, et collaborateur régulier du Guardian; l’article est du 6 mai 2009 dans le même journal. Weisbrot prend la situation d’une façon négative, en rappelant combien la politique sud-américaine des USA sous Bush fut justement négative et erronée, mais pour aussitôt observer combien cela est en train de changer.

«All this has come to pass, but more interestingly, for the first time we have an acknowledgement of this failure from the US secretary of state, Hillary Clinton. At a press conference last Friday, she said in response to a question about Venezuela:

«“When we look around the world, actually, we see a number of countries and leaders – Chávez is one of them but not the only one – who, over the last eight years, has become more and more negative and oppositional to the United States. ... The prior administration tried to isolate them, tried to support opposition to them, tried to ... turn them into international pariahs. It didn't work.”»

»This is a remarkable confession, and it didn't get a fraction of the attention it deserved. Clinton did not name the countries, but in Latin America, Bolivia would have to be included as a country where Washington has incurred resentment by supporting opposition movements against President Evo Morales. And of course there is the 47-year failure of the embargo against Cuba:

»“We're facing an almost united front against the United States regarding Cuba. Every country, even those with whom we are closest, is just saying you've got to change.”

»She didn't mention that they are also saying that Washington must change its policy toward Venezuela. President Lula da Silva of Brazil, who has consistently defended Hugo Chávez, has told Barack Obama as much and reportedly counselled him at the Summit of the Americas not to listen to his advisers – most of whom have appeared to seek continued hostility toward Venezuela and possibly Bolivia.»

(Accessoirement par rapport à notre sujet, mais c’est important d’une façon générale et cela fournit un contexte appréciable à ce même sujet, Weisbrot ajoute à propos de cette conférence de presse de Clinton, un peu plus loin: «Hillary Clinton also took note that Russia, Iran and China are gaining economic and political influence in Latin America, and recognised that we are operating in “a multi-polar world.” This is also obvious – China has recently invested billions in Venezuela, Brazil, Cuba and Ecuador, and agreed to a $10bn currency swap arrangement with Argentina. This week China also passed the US as the number one recipient of Brazilian exports. But Clinton's recognition of a “multi-polar world” is unusual and probably unprecedented for a US secretary of state.» Effectivement, la prise en compte d'une façon aussi officielle du concept de “multipolarité” est un événement de communication d'une réelle importance.)

Bien, nous n’en sommes pas encore aux excuses, mais la logique y pousse et nous pourrions y être bientôt. Il ne s’agit, diront les réalistes-sceptiques, que de posture, de communication. On sait ce que nous pensons de la communication, qui est, par définition d’ailleurs puisque dépendant de son contenu, la pire et la meilleure des choses, la plus futile et la plus importante des dynamiques. C’est par elle, notamment et justement, que passent et s’expriment les états d’esprit nouveaux, que s’esquissent ou s’annoncent aujourd’hui, des politiques nouvelles, – ou qu’apparaît, au contraire, l’impossibilité de ces politiques nouvelles en fonction des effets constatés, ou le risque trop grands des états d’esprit nouveaux. Quand il s’agit de l’état d’esprit que nous décrivons ici, la chose est d’importance et la posture prend de la substance. Ce fut le cas, notamment, des poignées de mains et échanges entre BHO et Chavez.

Ce domaine est, aux USA, extraordinairement sensible. Les sentiments, pour ou contre, qui parcourent les milieux politiques à l’égard de ces pays et de ces mouvements d’Amérique du Sud, Castro pour le passé, aujourd’hui Chavez, Morales, voire Lula et d’autres, sont extraordinairement radicaux. Les adversaires de cette évolution en Amérique latine basent leur politique sur l’exacerbation des jugements, à partir de sentiments de haine extrêmement passionnés. (Les milieux cubains anticastristes de Floride sont un exemple à cet égard, où les tendances extrémistes exacerbées se mélangent aux flilouteries et manigances de la vie politique US.) Il apparaît possible, sinon probable, que BHO va entretenir avec attention cet aspect de sa politique extérieure, dans un sens, posture et communication aidant, qui va exacerber la violence de l’opposition, notamment avec des heurts possibles extrêmement préoccupants avec les milieux d’opposition et leurs relais dans la bureaucratie et dans l’establishment de sécurité nationale. Un point non négligeable est aussi la façon dont la secrétaire d’Etat Clinton relaie cette orientation, dans le “style département d’Etat” (pour elle, cette remarque vaut pour d’autres politiques, avec sa “politique des excuses”). En importance politique, on peut équivaloir cette orientation avec celle poursuivie dans les nouveaux rapports des USA avec la Russie et avec ce qu’on peut voir de l’évolution de la politique “obamiste” vis-à-vis d’Israël et de l’Iran. La polémique qui l’accompagnera sera au moins aussi forte que dans ces deux cas, peut-être même plus forte, avec les risques d’incidents qui vont avec.


Mis en ligne le 14 mai 2009 à 09H11